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Chant diphonique

 

C’est sans doute par l’imitation de certaines mélodies issues de la nature et du rythme cardiaque – comme l’ont démontré certaines études en archéoacoustique sur l’influence réciproque de rythme cardiaque et du débitage de la pierre – que la voix de Sapiens s’est connectée à l’image qu’il a tracée dans un lieu qui pouvait la magnifier acoustiquement. Nous retrouvons ce rapport acoustique/image encore aujourd’hui dans les lieux sacrés, les temples, les églises et les lieux de culte.

 

En explorant la grotte de Niaux, à la manière d'un instrument de musique, nous sommes arrivée au constat hasardeux que le chant diphonique constituait le meilleur moyen d’interagir avec l’espace acoustique. De fait, nous avons fait l’étonnante expérimentation de ce chant comme outil de localisation des lieux ornés et d’écholocalisation

 

 

 

 

La définition du chant diphonique

 

 

 

 

 

On associe le chant diphonique à la musique traditionnelle mongole présentée dans des concerts comme à la Place des arts. Mais en fait c’est une technique vocale pratiquée dans plusieurs cultures à travers le monde depuis très longtemps. Les populations suivantes sont les plus marquées par le chant diphonique : Mongols, Touvins, Khakashs, Bachkirs, Altaïens, Rajasthanais de l’Inde, Xhosas d’Afrique du Sud, et bien sûr, les moines tibétains, des monastères Gyütö et Gyüme.. Difficile de dire depuis quand exactement le chant diphonique est pratiqué, s'il vient d'Afrique, de Russie, d'Inde, de Mongolie.

 

Le chant diphonique peut se décrire comme un dédoublement de voix, soit l’émission simultanée de deux sons. Le premier, dit « fondamental », correspond à un bourdon ou à la voix « normale » tenue à la même hauteur au cours de l’expiration. Le second, dit « harmonique », est plus aigu, varie au gré du chanteur et rappelle celui de la flûte ou du sifflement. Ces derniers ne produisent d’ailleurs pas un son étranger aux Préhistoriques qui fabriquaient déjà des flûtes, des sifflets et des phalanges sifflantes, il y a plus de 42 000 ans.

 

 

 

Arc musical : écouter

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-François Zygel introduce David Hykes on french TV (F2 - La boite à musique - 18/08/2011)

 

David Hykes / The Harmonic Choir - Hearing Solar Winds : David Hykes et le Chœur harmonique sont de passage à l’église Saint-Roch pour le Festival des musiques sacrées.

 

 

La guimbarde, comme l'arc musical, nous éclaire d'une manière particulière sur le chant diphonique en donnant un cadre chronologique (Paléolithique supérieur) et des références musicales, l’on constate que sa mélodie est générée par les harmoniques du bourdon (son fondamental), comme le chant diphonique.

 

On réalise en outre que ces harmoniques sont amplifiées par le résonateur d’Helmholtz, que constitue la cavité buccale, et par les différentes dimensions que cette dernière peut prendre. Pour sa part, la guimbarde, qui produit également deux ou trois voix – le bourdon, le chant et le contre-chant –, dispose d’une fine languette fixée à une armature qui attaque le résonateur. Ainsi, la languette vibre à une fréquence basse et quasi fixe pendant que la bouche sert de cavité résonnante.
 

On modifie le son de la guimbarde comme celui du chant diphonique en changeant la position de la langue, des lèvres et des joues. Puis, on prononce les deux voyelles I et U (ou O et A) de façon liée et alternée plusieurs fois en donnant

un timbre nasalisé qui sera amplifié par les fosses nasales. Le principe de la voix diphonique sous-tend également la prononciation de voyelles.

 

Par exemple, le xöömii de Mongolie part de la prononciation de sept voyelles : A-E-I-O-Ö-Ü-U.
 

 

Animisme

 

Les bergers touvas communiquent avec la nature en utilisant le xöömii, un chant diphonique qu’ils arrivent à propulser sur près d’un kilomètre. Les légendes des Touvas racontent que ce chant très ancien leur permet de reproduire les sons
de la nature, dont les timbres ou les colorations tonales sont riches en harmoniques, tels le gargouillement de l’eau, le souffle du vent ou l’écho de la montagne. Leur musique pastorale est également liée à une tradition animiste voulant que les objets et phénomènes naturels soient habités par le même genre d’intériorité, de subjectivité, d’intentionnalité que celui des êtres humains.

 

Tout comme le chamanisme qui a déjà alimenté nombre de spéculations, l’animisme s’avère une piste de réflexion intéressante sur le sens à donner aux graphies paléolithiques et sur les liens entre art pariétal et chant diphonique ou
dans un contexte plus vaste entre musique et langage. Tous les chanteurs diphoniques – qu’importent les aspects historiques qui les définissent, les techniques qu’ils pratiquent ou les croyances auxquelles ils adhèrent – s’entendent
pour dire que le chant diphonique tire ses origines de la nature et de cette philosophie animiste. Toutefois, comme ils vivent dans des lieux différents et que la représentation qu’ils s’en font varie, les techniques de chant diphonique sont
diverses.

 

seulement rapprocher, oppose ce qu'il suffirait de distinguer, mais réalise déjà correctement les opérations intellectuelles fondamentales : la classification, l'abstraction, la conceptualisation, l'inférence logique. En
vertu de ce principe [animiste], les êtres et les objets peuvent être à la fois eux-mêmes et autre chose qu'eux-mêmes. Ainsi, un Indien Bororo pense qu'il est à la fois un homme et un perroquet, parce qu'il participe
intimement à la nature de cet animal qui est son totem. De même, un indigène de Bornéo croit avoir un lien de parenté mystique avec les alligators. Il résulte de ce principe que la pensée primitive est moins apte que la nôtre
à analyser, à abstraire, à conceptualiser. C'est pour cela que les langues primitives manifestent un besoin d'expression concrète qui se traduit par un vocabulaire pléthorique.

(Régine DETAMBEL (2013). « Mentalité archaïque > Animisme, Lévy-Bruhl, Bergson, C.G. Jung, pensée sauvage », Grand élicidaire, Anthropologie, [En ligne], http://www.detambel.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=2226)

 

 

 

À la différence de Reznikoff – pour qui il n’y a pas de sociétés sans chant ni de rituel ou célébration qui ne soit chantés, pour qui les tribus du Paléolithique chantaient, pour qui la musique et la dimension sonore des grottes ornées furent
l’objet de formidables recherches sur les correspondances entre les lieux de résonnances et les lieux de peintures –, nous avons tenté d’établir de telles correspondances en recherchant quel type de chant les Magdaléniens de Niaux
auraient pu pratiquer et s’il y avait un moyen de lier ce chant à leur art pariétal.

 

L'impact du chant diphonique sur l’écoute dans le monde souterrain des grottes est difficile à décrire puisqu’il relève de l’expérience et du sensible. Ce chant serait, pour faire image, assimilable à celui des sirènes évoqué par la
littérature et le cinéma. Il est enveloppant, réconfortant, hypnotisant, apaisant, aigu sans être strident, et sa source est aisée à localiser. Il donne l’impression de faire surgir de la pierre une étonnante résonance, comme si les parois étaient
transformées en organismes sonores, voire vivants. Cette perception a été décrite par Linda Eneix207, alors qu’elle tentait de faire état des caractéristiques sonores des monuments anciens et préhistoriques, comme le Standing Wave produit par le chant d’une voix basse. Celui-ci aurait un effet sur l’esprit et la pensée, faisant
ainsi basculer l’information sonore de l’hémisphère gauche à l’hémisphère droit qui lui gère les émotions et stimule la créativité208. Pour Linda Eneix, un chaman qui saurait se servir de sa voix disposerait d'un incroyable outil de magicien avec lequel jouer et émerveiller.

Unknown Track - Unknown Artist
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